Les Yvelines et sa biodiversité :
Ne restera-t-il bientôt qu’une coquille vide ?
Nous vivons dans un espace fini, l’urbanisation (et ses impacts) avance et les espaces naturels (et leurs habitants) disparaissent.
La biodiversité de l’Ile de France subit de nombreuses pressions et celle des Yvelines ne fait pas exception. Les milieux naturels réduisent comme peau de chagrin, leurs habitants expropriés (faune, flore) peinent à trouver des habitats de substitution et disparaissent.
L'apparente
"verditude" du département n'est qu'un leurre,il ne restera bientôt plus qu'une coquille vide.
Parue en 2011, La liste rouge de la Flore d’Ile de France :
26% de la flore d’ile de France est menacée d’extinction.
Parue en 2012, La liste rouge Ile de France des oiseaux nicheurs:
Près d’une espèce d’oiseau sur trois est disparue ou menacée de disparition en ile de France »
Et ce n’est pas fini, l’hémorragie continue.
Il ne faut pas se voiler la face, la principale cause de ce déclin est l’être humain, via ses besoins : habitat, industries ,production alimentaire intensive, déchets, transports, énergie, loisirs.
Il ne sert à rien d’épargner quelques hectares et de les qualifier d’espaces naturels, si c’est pour les livrer à un usage récréatif où l'homme perturbe et dégrade, il ne faut pas confondre espaces verts et espaces naturels.
Voici au sujet des oiseaux (avifaune) l’excellent article de Gérard Grolleau ,ornithologue ,paru dans « les Brèves » de l’association Yvelines Environnement et publiée ci-dessous, avec son accord.
ET LA PROTECTION DE LA NATURE ?
Par Gérard GROLLEAU
Le département des Yvelines est qualifié de département « vert » en raison de l’importance de ses forêts, parcs divers, étangs et terres agricoles. Cela procure un environnement agréable aux Yvelinois, mais qu’en est-il de la protection de la nature ?
Il ne suffit pas d’additionner les superficies de boisements, les espaces verts et les terres cultivées pour en conclure que la nature est favorisée. Tous ces milieux sont artificialisés au bénéfice de l’homme ; il en va différemment pour la nature sauvage qui permet à la faune et à la flore de survivre.
On nous parle sans cesse de biodiversité, qu’il faut protéger, restaurer ; c’est l’un des mots-clés à ne pas oublier dans un discours « in ». Mais la réalité ?
Prenons des indicateurs de la santé des milieux, tel que le programme « Suivi Temporel des OiseauxCommuns » ou STOC initié par le Centre de Recherche par le Baguage des Populations d’Oiseaux (CRBPO), service du Muséum National d’Histoire Naturelle.
Ce programme, débuté en 1989, recense par échantillonnage les oiseaux nicheurs dans différents milieux (lorsque l’on parle de nicheurs, la période va de début mars à fin juin, les oiseaux étant cantonnés durant cette période) ; ce sont en fait principalement les petits passereaux, les plus abondants, qui sont répertoriés.
Deux variantes de ce programme coexistent et se complètent :
· le STOC dit EPS (Echantillonnages Ponctuels Simples), fondé sur l’écoute et la détection des mâles chanteurs, conçu pour évaluer les variations spatiales et temporelles de l’abondance
· le STOC CAPTURE qui étudie les variations des paramètres démographiques les plus importants que sont la survie des adultes et le succès de la reproduction.
Que nous révèle ce programme, en ne retenant que les espèces suffisamment abondantes pour que les variations de populations soient significatives ?
VARIATIONS DE 1989 A 2007
Oiseaux des forêts (18 espèces) - 18%
Oiseaux des milieux agricoles (20 espèces) - 29%
Oiseaux des milieux bâtis (13 espèces) - 27%
Espèces généralistes (14 espèces) + 10%
Toutes espèces d’oiseaux confondues :
La baisse moyenne générale a été de 12% en 20 ans,
Et le phénomène ne s’est pas inversé
Depuis 2007, au contraire ; la baisse moyenne actuelle frôle les 25%.
Ce qui est vrai pour les oiseaux l’est également, à des degrés divers, pour les mammifères, les reptiles, les batraciens, les insectes, la flore, etc.… Et nous ne parlerons pas des espèces dites invasives, en général exotiques, introduites volontairement ou pas, dont l’impact sur leurs homologues indigènes est négatif dans l’ensemble, donc négatif pour la biodiversité.
Nous constatons que ce sont les milieux agricoles qui ont subi les pertes les plus fortes, que ce soit en diversité ou quantitativement. La disparition de la polyculture au bénéfice des monocultures, avec les modifications de paysages que cela a entraîné, en est la raison principale, effets aggravés par l’importance des moyens techniques, que ce soit le machinisme agricole ou le large emploi des pesticides. Par exemple, l’usage des herbicides, en éliminant les plantes indésirables, simplifie la flore, et de ce fait supprime des couverts de nidification et des sources de nourriture. En monoculture, il n’y a à manger pour les animaux que durant une courte période de l’année. Et cela ne concerne pas la seule France, le même phénomène, de même ampleur, est constaté en Grande-Bretagne par exemple.
Les milieux forestiers ont également perdu près de 20% de diversité aviaire ; les modes d’exploitation en sont la cause principale, comme la disparition des taillis sous futaie, l’hyper fréquentation des forêts suburbaines aggravant énormément la situation.
Quant aux milieux bâtis, ils ont perdu presqu’autant de biodiversité que les milieux agricoles. Les constructions modernes, les ravalements et restaurations d’immeubles, la modification des bâtiments agricoles et, notamment, ceux d’élevage bovin, la perte de tolérance des humains vis-à-vis des animaux sauvages, font que de nombreux oiseaux ne peuvent plus y nicher et ont disparu ou se sont raréfiés dans les villes, même si les espèces polyphages et opportunistes (pigeons, étourneaux, corneilles, pies) s’adaptent très bien grâce à nos déchets répandus ça et là.
Ces espèces généralistes voient ainsi leurs effectifs augmenter en milieu urbain, en particulier les Corneilles et les Pies dont l’abondance augmente la pression de prédation qu’elles exercent sur les petits oiseaux, ce qui aggrave le problème pour ces derniers.
Tout ceci n’est qu’une conséquence de la perturbation des milieux. Non seulement l’homme stérilise une partie de plus en plus importante des sols pour ses habitations, usines, routes, autoroutes, voies ferrées, terrains de sport et d’exercices divers, ce qui a pour conséquence de fragmenter les milieux, avec des barrières infranchissables pour les animaux terrestres, créant ainsi des isolats de populations qui, petit à petit, sont victimes de dérives génétiques les conduisant à la disparition. mais la civilisation des loisirs et les facilités de déplacement font que le reste du territoire est constamment soumis à ses interventions : engins motorisés de tout poil, VTT et assimilés, qui sillonnent et dégradent les milieux naturels, parapentes qui prennent en montagne la place des grands rapaces, varappeurs qui, malgré les accords de bonne conduite, perturbent la nidification des oiseaux rupestres, etc…, sans oublier la multiplication des stations de ski et leurs impacts.
Finalement, tout le territoire est perturbé ; l’homme transforme la nature en un immense terrain de jeu, et pas seulement en France, ceci à son seul bénéfice, la faune étant réduite à la portion congrue. N’oublions pas les pollutions diverses que cela engendre : pollutions organiques, pesticides, médicaments humains et vétérinaires, métaux lourds, résidus chimiques industriels, etc…
Pour essayer de compenser un peu cela, on crée des réserves naturelles, des parcs nationaux, des parcs régionaux, mais il faut y accueillir le public qui, même encadré, perturbe et dégrade. Une réglementation européenne a été mise en place pour la protection des espèces et celle des habitats, mais que de difficultés pour la faire appliquer et la faire respecter ! Et l’on voit bien que, malgré tout, la biodiversité continue à se dégrader, même si ponctuellement des réussites existent.
Quand l’humanité prendra-t-elle vraiment conscience qu’elle est en phase de pullulation et qu’elle détruit la terre ? Les pullulations sont un phénomène bien connu chez les populations animales : une espèce devient dominante, s’étend, envahit son milieu et le détruit pour se nourrir ; à ce moment-là, les animaux, physiologiquement déficients, meurent en masse, en raison de maladies qui se propagent rapidement et de la famine ; seuls quelques individus survivent, le milieu se régénère, l’espèce en cause également, et le processus repart. Eh bien, l’humanité en est à la première phase (famines, guerres, agressivité, maladies nouvelles, progression des déserts, etc.…), mais comme elle a encore des moyens pour compenser les inconvénients, la marche vers le vide continue !!!
Des cris d’alarme ont été lancés par des scientifiques dès le début du 19éme siècle, mais personne ne les écoute. La croissance est le maître mot de notre civilisation : course au toujours plus, au mieux être, fuite en avant ! Il serait temps de regarder un peu les choses en face, et ce dans le monde entier. La qualité de notre environnement, ce que tout le monde recherche, passe par la protection de la nature.
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